Chaque jour, les trottoirs sont parsemés de salariés, parfois grelottants, qui tirent fébrilement sur leur cigarette ou leur vapote. Cette sacro-sainte « pause clope » se fait aux dépens des fumeurs, mais aussi de l’entreprise.
Trois personnes sur 10 fument et chaque année 75 000 personnes décèdent des conséquences du tabac. Le tabagisme demeure la 1er cause de mortalité évitable en France. (Source Santé publique France 2020)
Si la qualité de vie des fumeurs est fortement impacté. 56 % des Français pensent que la vente de tabac rapporte plus à la collectivité qu’elle ne leur coûte en dépenses de santé.
Hélas, il n’en est rien !
Si l’industrie du tabac a rapporté en France 16 milliards d’euros en 2020, les dépenses de soins directement imputables au tabagisme représentent 26 milliards d’euros/an.
Le coût social de cette consommation est évalué à 122 milliards/an en 2010. Par coût social on entend les recettes des taxes prélevées sur le tabac et l alcool ou les dépenses de prévention et de soin, la perte de qualité de vie et perte de production. Kopp, P. (2016). 23. Poids socio-économique des drogues en France. Dans : Michel Reynaud éd., Traité d'addictologie (pp. 214-221). Cachan: Lavoisier.
Le manque à gagner pour l’État est conséquent et pour compenser ces pertes, il faudrait que le prix du paquet de tabac soit au moins à 45 euros. (Source l’Observatoire français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT 2015).
Le tabagisme fait payer à Tous le prix fort dont l’entreprise.
L’Art. L 4121-1 du Code du travail (CT*) rappelle que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
La loi Evin de 1991 interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif.
Les Art. R351-28-2-3 et 6 du Code de la santé publique permettent de mettre en place des zones fumeurs au sein des entreprises.
Depuis le 01/07/2017 Art R351-1 du CT*, il est formellement interdit de fumer dans tous les lieux couverts et fermés affectés à un usage collectif, cette interdiction concerne tous les bureaux dont les bureaux individuels.
Le choix ou le non choix pour les fumeurs est simple: "Merci de bien vouloir quitter les locaux de travail pour votre smoko*".
S’il est vrai qu’un salarié durant son temps de travail effectif est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives et qu’il ne peut interrompre son activité professionnelle pour s'occuper de ses activités personnelles. Le temps de pause-lui- est un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail.
Un salarié a le droit à au moins 20 minutes de pause consécutives, dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures. Pendant ce temps, il peut librement vaquer à ses occupations personnelles sans avoir à respecter les directives de son employeur pour téléphoner, prendre un café ou fumer une cigarette. Art L 3121-1 du CT*
Fumer est dangereux pour la santé, fumer sur son lieu de travail est interdit par la loi et l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Par ailleurs est-il permis de fumer chez soi tout en télétravaillant ?
Ces questions sur le temps de pause et la baisse de productivité, la santé des salariés fumeurs sont autant d’enjeux sociétaux et économiques qui méritent réflexion.
Une étude américaine publiée en 2021 par les Dr Berman et ses collègues du collège de santé publique de l’état d Ohio a tenté d'estimer les surcoûts annuels qu’un employeur privé américain peut imputer à l'emploi d'un fumeur de tabac par rapport à un non-fumeur. Berman M, Crane R, Seiber E, Munur M. Estimating the cost of a smoking employee. Tob Control. 2014 Sep;23(5):428-33. doi: 10.1136/tobaccocontrol-2012-050888. Epub 2013 Jun 3. PMID: 23733918.
Cette étude a examiné et synthétisé la littérature précédente estimant certains coûts associés aux employés fumeurs.
Les critères pris en compte pour cette étude sont l'absentéisme, le présentéisme, les pauses-tabac, les frais de santé et les prestations de retraite pour les fumeurs.
Les résultats révèlent que les pauses sont responsables d’une baisse de productivité avec un manque à gagner de 3000$/an, les décès prématurés des fumeurs sont eux estimés à 300$/an. L'estimation-la meilleure- du surcoût annuel pour employer un fumeur est de 6000$ en moyenne. Cette estimation doit être considérée comme un indicateur général de l'ampleur des surcoûts, et non comme une valeur ponctuelle prédictive.
En conclusion, les salariés qui fument imposent des surcoûts importants aux employeurs privés. Les résultats de cette étude, selon les auteurs, peuvent aider à éclairer les décisions des employeurs sur les politiques liées au tabagisme en entreprise.
Loin de tout cynisme, un fumeur coûte cher et pour faire des économies un employeur devrait prendre son mal en patience jusqu’à la retraite de ce dernier ou au mieux à son décès prématuré.
Certains employeurs américains ont pris au pied de la lettre les conclusions de cette étude et imposent aux fumeurs une hausse de leur cotisation à leur assurance santé, d’autres refusent d’embaucher des fumeurs enfin des salariés fumeurs se sont vus remettre une lettre de licenciement s’ils ne s’engageaient pas à cesser leur consommation sur une période donnée.
Le Dr Berman et son équipe dans de nombreuses interviews ont insisté sur le caractère estimatif des résultats de cette étude et ont rappelé que le sevrage tabagique est difficile. Il nécessite un accompagnement pour les fumeurs. La prévention en matière de lutte contre le tabac est essentielle.
En France la culture de travail et le Code du travail sont différents de ceux de nos amis anglo-saxons. Mais pourrait-on imaginer une retenue sur salaire à ces salariés fumeurs lors de leur pause clope? A ce jour, La sanction par l’employeur de ces pauses cigarettes n’est pas inscrite dans la loi.
Sans être coercitif ni laxiste il faut être lucide.
Si nous prenons un immeuble de dix étages de 3000 salariés avec 30 % de fumeurs qui montent et descendent 5 à 6 fois par jour avec 5 à 8 minutes de pause en moyenne à chaque fois, devraient-ils badger ? Et quid de leurs collègues non fumeurs qui eux aussi font des pauses? N’est- ce pas-là une discrimination envers les fumeurs. Et que vaut cette mesure du temps chez des salariés au forfait cadre ?
En Opposant fumeur et non fumeur avec un injuste traitement sur le temps de travail ou le management de ce temps, en culpabilisant ces derniers sur leur addiction, l’employeur et les employés s’engagent dans une voie sans issue.
L’approche doit veiller à ne pas discriminer ni à culpabiliser. Il faut faire le pari engagé et engageant de la prévention et de la lutte contre le tabagisme.
Le mois de Novembre est le mois sans tabac alors en Novembre on se Pause ensemble !